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Chronique de Bertrand Midol
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13 août 2010

Désastre au Ladakh : « Dieu est grand », mais l’homme aussi

Désastre au Ladakh : « Dieu est grand », mais l’homme aussi (1)

De la responsabilité et de la solidarité

 Au Pakistan voisin, les intempéries ont touché des millions de personnes, et ont fait des milliers de victimes. Ici, au Ladakh, l’ampleur des dégâts n’a pas pris la même mesure. Pour autant, leurs conséquences ont revêtu également un caractère tragique. « Dieu est grand » m’a soufflé un ladakhi dont la maison gisait dans 1,50 m de boue et dont des voisins sont morts. L’homme ne l’est-il pas moins, pour être irresponsable ou solidaire ?

P1150680« Dieu est grand », et, dans ce cas, est tout autant cruel. Ses caprices mortels, injustes ont constitué une des essences fondamentales des révoltés (2). Le spectacle de désolation ne fait qu’alimenter la mienne. Dans la nuit du 5 au 6 août, au dessus de Leh et de ses alentours, un phénomène climatique rare et violent – un éclatement de nuage – a entraîné des précipitations énormes. Une coulée de boue, qui par endroit a atteint 4 m de hauteur, a déferlé sur la partie est de la ville. Plus de 150 morts et 200 disparus. Des quartiers entiers écroués dans 1,50 m de boue, des maisons éventrées, des bus concassés. A Choglomsar (7 km à l’est de Leh), le bilan est encore plus terrible. Pour une population estimable à 7 000 personnes, il y aurait plus de 1 000 morts et disparus. P1150678

« Dieu est grand », mais, comme souvent dans les catastrophes naturelles, l’homme lui a filé un sérieux coup de mains. En effet, la multiplication des constructions au bord des rivières, sous les pentes sableuses, et la pollution exponentielle des cours d’eau ne doivent rien au hasard. Elles ont largement contribué à rendre la furie des cieux bien plus meurtrière qu’elle n’aurait pu l’être.

Si l’homme est grand pour courir à sa perte, il l’est aussi pour être solidaire. L’organisation des communautés, bouddhiste et musulmane, leur engagement et leur réactivité me sont apparus comme édifiants. « Communauté ». Un presque gros mot en France (pour moi le premier). Ici, les trois jours que j’ai passés avec l’association musulmane (3) à déblayer la boue de Choglomsar en ont rendu ma perception moins tranchée. Les communautés peuvent constituer un ressort efficace du lien social, une force d’action permettant de suppléer l’Etat, de ne pas se déresponsabiliser en se défaussant sur ce dernier.

Dans cette solidarité, les dons et grandes ONG internationales ont afflué. Cependant, comme pour le tsunami, certaines d’entre elles ne connaissent rien au territoire. Aussi, pour reloger les sinistrés, la mise en place de préfabriqués a été avancée par l’ONG Millenium International, étant donné qu’elle maîtrise parfaitement cette technique (4). Or, d’ici à peine deux mois, les températures vont passer puis plonger au dessous de 0°…

 Ainsi, que ce soit pour être responsable ou solidaire, la connaissance du territoire et des communautés apparaissent comme des principes d’action incontournables. Avec discernement, les travailleurs sociaux, d’ici et d’ailleurs, peuvent s’appuyer sur ces principes. Les défendre. Les promouvoir. Les appliquer, pour suppléer, pour dépasser le cadre planté par l’Institution, l’Etat et Dieu.   


 

[1] Pour les photographies relatives à cette chronique, je tiens à signaler que je n’ai pas voulu en prendre juste après la catastrophe. N’étant pas journaliste, cela me paraissait indécent. Par contre, il m’a semblé important de donner à voir l’étendue des dégâts restants une semaine après les intempéries.

 

[2] Camus Albert (1951), L’homme révolté, Gallimard, coll. Folio Essais (réed. 2009), p. 54

 

[3] Nommément « Anjuman Moin-ul Islam »

 

[4] Information recueillie auprès de participants aux réunions de coordination, réunissant pouvoirs publics et ONG locales et internationales. Ces personnes ont voulu garder l’anonymat.

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